Podcast - Jeux Olympiques HELSINKI 1952
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Cette 15ème Olympiade fut organisée à Helsinki qui avait initialement été désignée comme hôte de l’édition 1940 qui, en raison de la Guerre, n’eut jamais lieu. Elle vit le retour du Japon et de l’Allemagne, exclus des Jeux précédents. Enfin de l’Allemagne de l’Ouest seulement. Oui parce que cette édition d’Helsinki, c’est aussi celle de la première apparition de l’URSS dans la compétition et, on va le voir ensemble, ça va changer pas mal de choses en ces temps de Guerre Froide. En tout cas, ce sont 69 mations, et quasiment 5000 athlètes dont plus de 500 femmes, la proportion augmentant doucement mais sûrement, qui participeront aux compétitions mais si on devait n’en retenir qu’un, ce serait sans aucun doute Emil Zatopek !
Le début de la lutte USA - URSS
C’est donc dans un contexte politique des plus tendus que s’ouvrent ces Jeux Olympiques. La Guerre Froide a démarré depuis la fin de la Guerre entre Staline, toujours à la tête de l’URSS et Harry Truman côté américain. La doctrine Truman, justement, pensée pour permettre l’endiguement de l’expansion soviétique en Grèce et en Turquie et le plan Marshall, une aide financière envoyée en Europe en 1947 font face à la doctrine Jdanov qui qualifie le camp américain d’antidémocratique et impérialiste.
L’Allemagne est coupée entre la République fédérale de l’Ouest et la République Démocratique de l’Est et comme je vous l’ai dit en intro, seuls les athlètes de la RFA prirent part à ces Jeux car le comité olympique non reconnu par le CIO de la RDA refusa d’envoyer ses athlètes sous des couleurs communes. Pour comprendre la bonne ambiance qui règne, le signe le plus parlant c’est que le village olympique fut divisé en deux entre bloc de l’Est et bloc de l’Ouest pour éviter qu’ils fassent la chenille tous ensemble. Non je rigole, c’était surtout pour éviter que les nuits se transforment en pugilat.
Le classement des médailles voit le début d’une lutte sans merci entre Soviétiques et Américains qui vont trouver un adversaire à leur taille, eux qui dominaient quasiment sans partage ce classement depuis la création des Jeux. En effet, le sport comme tous les autres domaines étaient un terrain d’opposition entre les deux Géants et jusqu’à la chute de l’URSS, les deux pays remporteront systématiquement ce classement, et très souvent juste devant l’autre.
La domination de l’URSS est la plus forte dans les épreuves de gymnastique. Les meilleurs exemples sont Victor Tchoukarine et Maria Gorokhovskaya qui ramenèrent 13 médailles dont 6 titres à eux deux. Pour vous rendre compte de la performance, si ce duo avait été une nation, il aurait terminé à la 7ème place au classement des médailles, juste devant la France…
Les Etats-Unis, eux, ont notamment la main mise sur les épreuves de boxe en s’adjugeant la moitié des titres mis en jeu, en natation masculine avec 5 titres sur 7 épreuves et en athlétisme avec 15 titres et 31 médailles sur 33 épreuves, avec notamment des triplés sur les épreuves du décathlon, du 200m et du lancer du poids masculin.
S’ils avaient chacun leur terrain de jeu favori, ils se sont tout de même affrontés en face-à-face lors de la finale du tournoi de Basket-ball. Dans un match forcément tendu, où les défenses agressives prirent clairement le pas sur les attaques, les américains l’emportèrent 36-25 seulement, alors que le score à la fin du premier quart-temps était de 4 à 3.
Emil Zatopek, le vrai héros de ces Jeux
Mais le véritable héros de ces Jeux n’est ni soviétique, ni américain, mais tchécoslovaque. Son nom Emil Zatopek. Son sport, l’athlétisme et notamment les courses de fond. Encore vous allez me dire. Il est vrai qu’à cette époque, l’athlétisme est le sport roi des Jeux. C’est encore le cas aujourd’hui même si la diversité des sports proposés tend à estomper un peu cette tendance.
Avant de devenir le Tchèque bondissant, comme il sera surnommé, Zatopek naît dans l’actuelle République Tchèque en 1922. S’il adore courir dès son plus jeune âge, son père lui interdit rapidement de le faire car il use trop rapidement ses souliers et que sa famille, modeste, ne peut pas lui en racheter autant qu’il le faudrait. Son amour pour la course disparaît alors complètement et aurait bien pu ne jamais refaire surface. C’est pendant la Guerre, alors que la République tchèque est occupée par les nazis qu’il va revenir, d’une manière parfaitement inattendue.
Le 15 mai 1941, l’entreprise de chaussures dans laquelle il travaille, tout un symbole, organise une course pour la population locale. Manquant de représentants, celle-ci l’oblige à participer à la course sous peine de le renvoyer. Sans emploi, il serait alors immédiatement recruté dans les troupes de l’armée allemande, ce qui, on peut le comprendre le chauffe moyen. Malgré la simulation d’une blessure peu avant la course, il y participe et se classe deuxième. Si le résultat de cette course reste clairement anecdotique, les conséquences, elles, seront colossales.
Retrouvant le goût de la course, il participe à quelques courses jusqu’à ce que Tomas Sale, meilleur fondeur du pays lui propose de s’entraîner avec lui. A partir de là, les performances d’Emil vont aller crescendo. Jusqu’à la fin de la guerre, puis après, lors de son service militaire, il améliore ses performances grâce notamment à une méthode d’entraînement révolutionnaire qu’il a lui-même inventé : le fractionné. Si comme moi, vous avez déjà vomi vos tripes pendant un fractionné, vous savez désormais à qui vous le devez.
C’est en 1947 que Zatopek se révèle sur une compétition mondiale, aux Championnats du monde militaires d’athlétisme à Berlin. Pourtant, tout n’est pas parti idéalement ! Déjà, il se trompe de train et arrive à Dresde, à 200km au Sud de la capitale, premier coup dur. Aidé par les locaux, il trouve un train pour Berlin et une fois arrivé, deuxième galère, il se perd dans la ville, n’arrivant pas à trouver le stade. Bon il court vite mais pas sûr qu’il gagnerait l’épreuve de l’orientation à Koh Lanta. Bref, il trouve le stade et se rend compte, un peu dégouté, qu’il est le seul représentant de son pays. Même le porte-drapeau, un bénévole de l’organisation s’enfuira pendant la cérémonie, honteux de n’être suivi que par un athlète. Bon ça part bien cette histoire ! Heureusement, malgré tous ces contretemps, il remporta tranquillement le 5000m, se faisant alors un nom.
De star nationale à persona non-grata en son pays
Son histoire Olympique démarrera en 1948 à Londres où il s’imposa sur le 10000m et échouera d’un rien à la deuxième place sur le 5000m. Après cela, jusqu’aux Jeux d’Helsinki en 1952, il deviendra la référence absolue du demi-fond, s’adjugeant les records du Monde du 5000m et du 10000m et restant quasiment invaincu sur ces deux distances. A l’orée des Jeux d’Helsinki, Zatopek n’a qu’une ambition, décrocher le doublé. Pourtant, il a failli décider de ne pas participer à cette Olympiade. Quelques semaines avant la compétition, les autorités tchèques souhaitent priver des JO Stanislav Jungwirth, coureur de 1500m car il est suspecté d’être un opposant au parti communiste.
Emil mettra sa participation dans la balance, jusqu’à faire céder les gouvernants de son pays. Une fois ce problème écarté, il se consacre à sa préparation et décide quelques jours avant l’ouverture des compétitions de s’aligner sur le 10000m, le 5000m et, pour le marathon, course à laquelle il participera pour la première fois. Le scepticisme, voire les moqueries s’élèvent des observateurs étrangers qui considèrent impossible, tout Emil Zatopek qu’il soit, qu’il puisse performer sur ces trois épreuves.
Le 10000m est une formalité. Imprimant un rythme soutenu tout au long de la course, il décramponne petit à petit tous ses adversaires pour s’imposer avec une marge impressionnante. Vint ensuite le 5000m dont la finale fut qualifiée comme la course du siècle. Quelques tours après le départ, c’est la stupeur qui s’empare des supporters du tchécoslovaque. Ses 5 principaux rivaux prennent la poudre d’escampette et Emil semble alors incapable de réagir et prend rapidement une centaine de mètres de retard. Tout le monde se dit alors qu’il a vu trop grand en se préparant pour 3 épreuves dont le marathon. Seulement, il n’est pas du genre à abandonner. Puisant dans ses ressources, il parvient à regagner mètre par mètre et revient dans la foulée du groupe de tête à l’entame du dernier tour. A 200m de la ligne, ils ne sont plus que 4 à prétendre au titre Olympique et c’est le moment où Zatopek décide d’accélérer à l’extérieur du dernier virage. Son accélération foudroyante laisse sur place ses adversaires qui ne le reverront plus jusqu’à la ligne d’arrivée. A l’issue d’un scénario incroyable, il s’adjuge donc sans aucune contestation possible sa deuxième médaille d’or en quelques jours.
Et il ne va pas rester là. Alors que le record du Monde détenu par le britannique Jim Peters est fixé à 2h20, Zatopek affirme pouvoir courir en 2h15. Cette déclaration énerve son adversaire, bien décidé à prouver que le marathon est une épreuve à part. Craignant les qualités de finisseur de Zatopek, imbattable sur 10000 et 5000m, il imprime un rythme démesuré dès le départ de la course, bien en-dessous de ses meilleurs temps jusqu’alors. Notre tchécoslovaque lui, ne s’affole pas. Il comprend rapidement que Peters s’est laissé guider par son ego et qu’il est parti bien trop vite. Avant la mi-course, il le reprend tranquillement et dégaine une violente accélération qui en vient à écœurer le britannique. Seul en tête à partir du 25ème kilomètre, les derniers auront des allures de haie d’honneur dans la capitale finlandaise, Zatopek faisant passer sa course pour un promenade de santé du dimanche matin. Sous les vivas de la foule il franchira la ligne d’arrivée loin devant tout le monde, devenant le premier et le seul athlète de l’histoire à réaliser le triplé 5000-10000-marathon.
Il atteint alors le paroxysme de sa carrière qui ira decrescendo jusqu’à sa retraite en 1957. Après cela, il reste une figure publique hautement appréciée dans son pays. Il usera de son image en 1968 lors du Printemps de Prague en prenant parti pour la première fois officiellement contre le régime communiste en place. Il ira jusqu’à monter sur la statue de la place Venceslas à Prague pour condamner l’invasion soviétique subie par son pays, devant une foule de milliers de personnes acquis à sa cause. Réprimée dans le sang par les chars de l’Armée Rouge, cette révolution manquée vaudra à Zatopek d’être mis au ban de la société par le gouvernement en place. Il devient persona non grata dans son propre pays, de nombreuses entreprises refusant de l’embaucher pour sa défiance envers le pouvoir.
Discrédité par l’ensemble du bloc soviétique, privé de ses revenus financiers et de toute activité sportive, volontairement muté régulièrement aux quatre coins du pays par le régime en place, il est forcé à faire son autocritique et à s’excuser publiquement de son rôle lors du Printemps de Prague. Sa vie reprendra alors petit à petit un cours normal et il restera éloigné des prises de position politique. Il décédera en 2000 d’une pneumonie à l’âge de 78 ans et reste aujourd’hui encore considéré comme un athlète à part, autant par ses performances qui lui valurent d’être intronisé au panthéon de l’athlétisme mondial que par sa personnalité, résolument dans l’esprit olympique symbolisée par la médaille Pierre de Coubertin qui lui fut attribuée des mains du président du CIO.
C’est sans discussion possible une nouvelle ère qui s’est ouverte lors de ces Jeux Olympiques d’Helsinki. A l’image des relations diplomatiques mondiales, les Jeux deviennent un nouveau terrain de jeu d’influence auquel se livre les Etats-Unis et le bloc soviétique. Durant près de 40 ans, nous aurons l’occasion de le voir dans les prochains épisodes, de nombreux événements marquants des compétitions auront à voir avec la guerre froide qui s’est installée dans le Monde entier. L’un de ces événements, on le verra, aura lieu à Melbourne en 1956 lors de l’olympiade suivante disputée aux antipodes de la France que nous découvrirons ensemble lors du prochain épisode.